Entre 2008 et 2016, le nombre de personnes sans domicile a doublé, passant d’environ 2.000 à près de 4.000. Comme dans la plupart des grandes villes européennes, le nombre de sans-abri ne cesse d’augmenter à Bruxelles. Infirmiers de rue ASBL regrette le manque d’ambition des politiques pour lutter contre ce phénomène. Découvrez sa carte blanche !

Convergence de points de vue des acteurs de terrain

Le secteur sans-abri de Bruxelles est entré depuis deux ans dans une phase dynamique, de mobilisation pratique et politique. Augmentation des activités en rue, recherche de logements, programmes de relogement, programmes Housing First, collaboration accrue sur le terrain, interpellation des politiques : une belle mobilisation de toutes les associations et institutions, avec en ligne de mire la fin du sans-abrisme à Bruxelles.

Car c’est la nouvelle donne maintenant : la fin du sans-abrisme est possible à Bruxelles, tout le secteur - une grande majorité en tout cas - en est convaincu. Tout le monde en parle, tout le monde le voit comme objectif, tout le monde rêve du moment où le travail principal consistera à accompagner des personnes plus fragiles dans une solution de logement qui leur convient, et leur permettre de vivre une vie épanouissante.

Soins infirmiers

Une situation qui continue de s’aggraver

Seule ombre au tableau, les chiffres, eux, ne sont pas bons, et n’évoluent pas dans la bonne direction. En effet, recensements officiels à l’appui, entre 2008 et 2016 le nombre de personnes sans domicile a doublé, passant d’environ 2.000 à près de 4.000. Comme dans la plupart des grandes villes européennes, le nombre de sans-abri ne cesse d’augmenter à Bruxelles. Le travail des organisations sur le terrain semble n’avoir aucun effet sur ce phénomène.

Le manque d’ambition des politiques

L’obstacle, majeur, à toute amélioration de la situation, est que les pouvoirs publics, et les politiques dans leur ensemble eux, n’ont pas suivi le changement de vision du secteur : la fin du sans-abrisme n’est toujours pas un objectif politique énonçable, et ne fait pas partie des plans pour la future législature. Ce ne serait qu’une chimère impossible, une perte de temps.

Conséquence de cette vision des choses, malgré l’investissement conséquent de la Région dans des programmes Housing First, comme d’ailleurs dans les deux autres régions du pays, les moyens restent concentrés principalement sur l’accueil d’urgence, spécialement en hiver, alors qu’il faudrait beaucoup plus d’investissements sur le long terme : logements à loyer social, accompagnement en logement, prévention. Ce sont pourtant des investissements connus et reconnus, notamment par exemple dans les pays où le sans-abrisme a fortement régressé, comme la Finlande, comme étant les piliers d’une politique de fin du sans-abrisme.

Plus encore, la vision de la fin du sans-abrisme n’est pas non plus partagée suffisamment encore au sein du grand public, qui voudrait pouvoir y croire mais qui pense encore que ce n’est pas réaliste, ou que c’est impayable.

Un changement de vision sinon rien

Nous n’arriverons pas seuls à mettre fin au sans-abrisme : ni une seule organisation, ni même toutes les organisations de ce secteur ensemble, même si leurs moyens sont considérablement augmentés. Ce que les associations ont prouvé, par contre, c’est qu’il est possible de sortir durablement de la rue n’importe quelle personne sans-abri. Ce qu’il manque maintenant, c’est le basculement de l’ensemble de la société dans cette vision, plus globale, que la fin du sans-abrisme est possible, que l’on peut, durablement, organiser une ville où chacun peut trouver une solution de logement adaptée à sa condition.

     - Dr. Pierre Ryckmans Co-coordinateur d’Infirmiers de rue ASBL

© P-Y Jortay - Infirmiers de rue 2020

Aidez nous dans nos actions pour mettre fin au sans-abrisme!