La Norvège et la Finlande, pionnières en matière de ‘fin du sans-abrisme’, nous apprennent qu’il y a trois mesures principales à prendre si l’on veut un jour mettre un terme au sans-abrisme.

1. L’accessibilité des logements

Cet accès concerne autant la quantité que le prix. Cela suppose une politique résolue, sur du long terme (10 ans ou plus), de construction et de rénovation de logements et certainement de logements à finalité sociale. A Bruxelles, on évalue à 4000 personnes le nombre des personnes sans-domicile. On peut estimer qu’au moins la moitié, soit 2000 personnes, sont déjà dans les conditions de pouvoir intégrer rapidement un logement qu’elles seraient en mesure de payer, à condition que ce soit un logement à finalité (et prix !) sociale.

Étant donné qu’il y a une liste d’attente d’environ 40.000 personnes pour le logement social en Région bruxelloise, il est indispensable de pouvoir court-circuiter le trajet pour les personnes n’ayant pas de domicile, et à fortiori pour les personnes vivant en rue, sous peine de n’avoir aucune influence sur le sans-abrisme proprement dit. Après une période de « rattrapage » où le nombre de nouveaux logements disponibles par an pour les personnes sans domicile devrait être de 1000, on pourrait imaginer un rythme de croisière de 250 logements, par an, consacrés à ce public spécifique.

Pour la diminution des listes d’attente pour le logement social, d’autres mesures doivent être prises parallèlement. Il est intéressant de considérer qu’à un rythme de 1000 nouveaux logements par an, il faudrait tout de même 20 ans pour que le problème soit réduit de moitié !

Il faut prévoir un accompagnement de durée et d’intensité variable pour une partie des personnes qui vont être relogées, sous peine de les voir à nouveau perdre leur logement.

2. La prévention

La fin du sans-abrisme ne peut s’imaginer sans une politique de prévention adéquate. Il s’agit de mettre en œuvre, à différents niveaux, des politiques de repérage, d’accompagnement et de relogement de publics présentant des difficultés à garder un logement.

L’obstacle réside, d’une part, dans la coordination transversale de différents services pouvant jouer un rôle – comme les services de : médiation de dettes, les services d’aide à la jeunesse, les services de santé mentale, les hôpitaux, les centres de jour, …. etc. – ; ainsi que l’articulation de différents niveaux de pouvoir (régional et communal).

On peut raisonnablement estimer que si 4000 personnes sont sans domicile pour l’instant, à terme ce seront en permanence environ 20.000 personnes qui devront être accompagnées, sous une forme ou une autre, pour réaliser une prévention efficace.

3. Le Housing First

Le Housing First : c’est un programme qui s’est fort développé en Région bruxelloise, et dont le rôle est d’assurer la réinsertion en logement des personnes pour lesquelles cet objectif est le plus difficile à atteindre. Ce programme doit continuer à croître, ne fût-ce que pour que l’accompagnement des personnes déjà en logement puisse continuer le temps nécessaire, tout en intégrant de nouvelles personnes dans le programme. Il semble raisonnable d’estimer les besoins à un rythme de 60 nouvelles entrées en logement par an, pour l’ensemble des programmes bruxellois, ce qui suppose la croissance de ce programme du Housing First pendant encore quelques années.

Ce n’est que par la mise en place de ces mesures de façon adéquate et efficace, que le rêve d’une ville sans personnes sans-abri, pourra devenir réalité. Pour cela, nous avons besoin de politiciens bienveillants et audacieux afin d’initier ces mesures, mais également d’investisseurs ayant un sens de la responsabilité sociétale et de citoyens bien informés et prêts à la solidarité. Parce que ce n’est qu’ensemble que nous mettrons fin au sans-abrisme.

© P-Y Jortay - Infirmiers de rue 2020