Nous faisons régulièrement des équipes mixtes au sein de notre institution. Ce sont des moments où nous échangeons des travailleur·euses entre les différents pôles, afin de partager un moment de terrain en immersion. Aujourd’hui, c’est mon tour de passer une matinée sur le terrain avec ma collègue de l’équipe rue.

Une matinée en rue

Nous allons à la rencontre d’un monsieur d’une petite quarantaine d'années, Monsieur J.*, actuellement hébergé dans un centre d’accueil d’urgence à Bruxelles. Nous sommes venus l’accompagner pour refaire sa carte d’identité. La plupart de ces démarches semblent simples et anodines, mais peuvent parfois se révéler d’une certaine complexité ! Pour couronner le tout, Monsieur a subi une agression la veille, et s'est fait dépouiller d’une bonne partie des documents qui lui restaient, GSM, carte de banque, etc.
 

Un labyrinthe administratif

Nous nous présentons à la commune et sommes accueillis avec beaucoup de bienveillance par l’employé. Ce n'est pas grand-chose, mais cela fait toute la différence. Être entendu et reçu calmement, avec empathie. Nous apprenons que Monsieur est bien inscrit, un papier administratif l’atteste. Mais dans le registre national, il en est autrement, Monsieur est toujours "incarcéré à Liège" ! Ne se décourageant pas, notre guichetier du jour tente de déjouer les affres administratives et puise dans ses ressources afin d’y voir plus clair, espérant permettre à Monsieur J. de refaire son document d’identité. Malheureusement, il est mains et poings liés ! Tout doit se débloquer… à Liège !!! Avec patience et calme, il nous fait un résumé complet des démarches à effectuer. Monsieur J. reste zen face à cette aberration administrative.

Nous continuons avec lui notre périple : prochaine étape, la poste. Monsieur doit s’acquitter du loyer de son box afin de ne pas perdre ses affaires. Mais comme rien n’est jamais facile, que Monsieur n’a pas sa carte d’identité, que son document de perte de document est une copie, il fait face à un refus d’accéder à son compte ! La tension aurait pu monter face à un employé intransigeant, mais monsieur reste calme.
 

Un soutien essentiel

Nous avons encore quelques cordes à notre arc et tentons d’aller à la cellule de la police spécialisée qui vient en aide aux personnes sans-abri. Malheureusement, ils sont sur le terrain ce matin. Un malheur n’arrive jamais seul, dit-on. Mais nous tenons bon ! En discutant avec Monsieur, nous décidons de nous rendre au commissariat où il a fait sa déclaration de perte. Ce n'est pas encore ouvert. Nous faisons les cent pas devant la porte. Le moral et l’espoir de voir les démarches aboutir s'étiolent un peu. Une bonne dose de positivisme est nécessaire. Pourvu que les choses décident à se mettre en place ! Les portes s'ouvrent, l’angoisse monte, la personne de l’accueil nous reçoit. À nouveau une personne charmante et à l’écoute pour répondre à notre demande. Une chance !

Les astres semblent s’aligner et Monsieur est au bon endroit, pas de soucis de lui refaire son attestation de perte. Nous aurions été une semaine plus tard, il en aurait été autrement. Mais aujourd’hui, Monsieur repart avec son attestation et une confiance rétablie envers les institutions administratives où il a été reçu ! Le moral remonte, nous retournons à la poste. Cette fois-ci, pas de raison que Monsieur n’ai pas accès à ses comptes. Mais un malheur n’arrive jamais seul disais-je précédemment. Il n'a plus assez d’argent en banque... Avec son agression, la perte de son argent cash et le vol de sa carte qui a malheureusement été débitée, il n’a plus assez de liquidités pour assumer le loyer de son box. La tension contenue jusque-là commence à pointer son nez. Nos idées pour contourner les difficultés et franchir les obstacles s’amenuisent. Nous n’avons plus beaucoup de tours dans notre sac. Nous faisons alors appel à nos collègues, et décidons en concertation de lui avancer l'argent et lui permettre de signer une reconnaissance de dette, afin de ne pas perdre son box.

Monsieur sera resté calme tout le long de cette longue matinée, malgré les nombreuses embûches. Le sentiment d’injustice face à certaines démarches n’a pas entaché son envie de poursuivre sa remise en ordre administrative. Ce n’est vraiment pas évident quand on traverse une mauvaise passe. Merci aux employés dévoués et attentifs aux demandes des personnes. Cette expérience lui permettra aussi de réfléchir aux priorités à mettre en place dans le futur, afin d’anticiper les déboires de paiement et autres impasses administratives.

Témoignage de Guillaume, travailleur social

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(*) Nous mettons tout en œuvre pour respecter la vie privée de nos patient·es et notre secret professionnel. Nous voulons néanmoins témoigner de la façon dont ils doivent survivre et de la manière dont nous travaillons ensemble à leur réinsertion. Par conséquent, le nom des lieux et des personnes sont volontairement omis ou modifiés et des situations vécues sont placées dans un autre contexte. Il n’y a pas de lien direct entre les photos et les histoires ci-dessus.