Nous voici dans cet instant, ma collègue et moi, assises l’une et l’autre devant ce qui nous semble être l’absence de dignité humaine, la peur, la tristesse, la colère. En réalité, il n’en est rien. Il n’y a que la beauté de l’instant qui est.

Travailler chez Infirmiers de rue (IDR), c’est choisir de voir le beau en chaque instant, devant ce qui peut nous sembler laid et triste. En chaque personne réside une petite flamme qui n'attend qu’à être reconnue.

Travailler chez IDR, c’est reconnaître que cette petite flamme existe, qu'elle est belle et lumineuse, peu importe ce que la personne mettra en avant lors de la rencontre.

C’est prendre le temps de faire accepter à l’autre que cette flamme de vie est toujours là et qu’elle l’attend. Qu’il a le droit d’y goûter sans culpabilité.

Travailler chez IDR, c’est aussi amener l’autre à se responsabiliser à nouveau, lui dire qu’il/elle a encore le choix. Faire le choix de la douceur plutôt que celle de la souffrance et de la culpabilité constante.

Finalement, nous connaissons toutes et tous ce choix, si difficile à faire parfois. Nous l'expérimentons chaque jour, bien que nos situations soient différentes.

Nous pouvons simplement être présent·es et partager, du mieux que nous pouvons, la lumière qui nous anime pour peut-être, un jour, faire briller celle des autres en retour.

La compassion est sans désir, sans attente. Nous ne souhaitons pas changer l’autre, cela voudrait dire qu’on ne l’accepte pas tel qu’il est.

Après ces instants de présence et d’écoute, l’ambulance arrive. L’homme semble se noyer dans la honte, la tristesse l’envahit. Mais dans ses yeux, nous observons qu’il se sent bien, qu’il est en accord avec le choix qu’il vient de faire.

Il nous remercie pour notre humanité mais c’est en réalité lui-même qui a fait ce choix et qui s’est humanisé.

Puisque dans ce qui semble être l’horreur peut résider la beauté, ce moment, aussi dur qu’il ait été, fut un de mes plus beaux moments chez IDR. Il m’a bouleversée tout en me ramenant à l’essentiel.

Deux semaines se sont écoulées entre cet événement et l’écriture de cette tranche de vie. J’ai décidé de faire le choix de la lumière plutôt que de choisir l’ombre.

Et tout à coup, je me sens bien.

Soyez un pilier de soutien

--

(*) Nous mettons tout en œuvre pour respecter la vie privée de nos patients et notre secret professionnel. Nous voulons néanmoins témoigner de la façon dont ils doivent survivre et de la manière dont nous travaillons ensemble à leur réinsertion. Par conséquent, le nom des lieux et des personnes sont volontairement omis ou modifiés et des situations vécues sont placées dans un autre contexte. Il n’y a pas de lien direct entre les photos et les histoires ci-dessus.